Le chemin est improbable, et le GPS hésitant.
Le soleil se couche.
On se gare sur un vague terre plein, balisé d’un panneau écrit à la main avec marqué « parking ».
« Hum, je vais voir si c’est bien là »…
J’enfile à pied un chemin de terre, croise un paysan et son vieux chien.
Il me le confirme, c’est bien là, dans la maison là bas, à droite, mais « vous êtes en avance ».
Je retourne à la voiture, et invite mes deux accompagnatrices à me rejoindre.
On pousse la porte du bâtiment, une salle, quelques tables, toutes occupées, un bar de fortune, au fond un espace visiblement aménagé pour « le spectacle », avec des bancs, des fauteuils dépareillés, une tenture, deux spots et une guitare.
Regards tièdes et vaguement hostiles de l’assemblée qui occupe les tables, on est clairement des étrangers. Personne ne dit bonjour, personne ne dit « oui c’est bien ici le concert », pas d’affiche, rien.
Néanmoins un guéridon tassé dans un coin, couvert de CD à vendre, lève nos derniers doutes : c’est bien là.
On commande des boissons (forcément une mauvaise bière du coin, inutile de heurter l’orgueil mal placé des indigènes en commandant autre chose) et on se cale +/- sur les bancs en face de l’espace de concert.
Petit à petit la salle se remplit, d’abord le côté bar, puis, par débordements successifs, le coin concert. Ils se connaissent tous, partagent la même vie, se raccrochent désespérément au fantasme d’un monde disparu qu’ils copient sans l’avoir compris. Parlent fort et assuré, pour se rassurer, se répondant en échos mimétiques du compte rendu de leurs démêlés dérisoires sur la ZAD la plus proche, ou la plus lointaine.
Puis Môrice rentre en scène, et, passés les salamalecs d’usage sur les organisateurs de cette grande soirée conviviale et underground, chante.
C’est la seconde fois, mais toujours aussi magique, aussi poétique, aussi puissant. L’espace d’une chanson on redevient humain. Il recale les choses, parle de partage, d’universalité et d’amour dans des oreilles qui ne partagent rien.
Mais c’est beau.
Le concert fini, le chanteur sera bien urbain, il serrera les mains, fera tourner le chapeau, dormira chez l’organisateur revêche et à peine poli qui l’a invité.
Et il partira vers la prochaine grange improbable ; drôle de vie. Les poètes sont des gens seuls.
Mais bon sang, quel talent !
Les commentaires récents