Je l’avais promis alors je l’ai fait.
Revenons en arrière.
J’ai toujours aimé lire, tout et n’importe quoi. J’estime qu’une bonne partie de ma personnalité est directement issue de la diversité de mes lectures. Insidieusement, avec l’âge et surtout l’aliénation du travail, cette source a diminué. Je lis encore un ou deux livres par semaine, mais ce n’est rien par rapport au passé, et (pire) par rapport à ce que j’aurais ENVIE de faire ; encore pire, ce n’est, à mon avis, peut être pas suffisant pour continuer à avoir une vue éclairée sur le monde déconnant qui se prépare.
Bref.
La jeune génération lit encore bien moins que la mienne. En quantité c’est indéniable, mais en qualité ? C’est la question qu’il m’a été donnée de traiter lors d’un échange avec un membre, qui m’est cher, de ma famille, une grande lectrice, mais aux choix très mono-ciblés si je puis dire.
Différence de vision du monde ? De générations ? De fondements culturels ? Oui un peu tout ça et ce n’est pas anodin car ça provoque des incompréhensions.
Comme dans la théorie des ensembles nous avons tous les deux mis à profit notre amour commun de la lecture en nous focalisant sur l’intersection de nos patatoïdes. 
La SF a toujours été un de mes pôles littéraires d’intérêt (un « sous-ensemble »), depuis les grands anciens (Lovecraft, Meritt, Verne (Jules) , C.A. Smith…) puis l’âge d’or ( Van Vogt, Asimov, Simak, Anderson, Vernes (Henri), Barjavel, Heinlein…) et encore ensuite les post-modernes (Andrevon, Ballard, Vance, Dick, Priest, Brussolo .. ).
Un « sous-ensemble » de ce « sous-ensemble » est ce qu’on appelle maintenant la « Fantasy ».
Issue de racines communes indéniables (J’ai cité Smith, mais aussi Howard, Brackett, Spinrad et d‘autres) elle a pris son essor individuel avec la mode subite des oeuvres de Tolkien, un auteur mineur, marginal et médiocre (je sens que je vais me faire des amis …) prolongée par son équivalent pour enfants encore plus immatures : « Harry Potter ».
La brèche était ouverte pour abreuver nos jeunes en mal de merveilleux, de romans plus ou moins bien écrits, plus ou moins intéressants, de « sagas », « cycles » « chroniques » et autres titres ronflants.
Citons Dan Simmons, Terry Pratchett, David Eddings et Georges Martin (oui, le trône de fer).
J’ai toujours considéré cette tendance nouvelle comme facile (à lire comme à écrire), racoleuse, et non exempte d’un projet hypocrite et subtil, de déculturation d’abord, puis d’acculturation ensuite.
Aparté : Un peu comme les romans d’espionnages bon marché des années 60, en pleine guerre froide, qui instillaient avec discrétion une fascination pour la CIA et une terreur du bloc de l’Est
Là où les délires Lovecraftiens et ou les merveilleuses histoires Vanciennes se positionnent sans ambigüité dans le domaine du merveilleux, de l’histoire rêvée, et à destination d’adultes rêveurs, les dernières œuvres récentes de « fantasy » sont porteuses de « valeurs de remplacement », à destination d’adultes en devenir. On sent un décrochage net, dans les jeunes générations, de leur merveilleux culturel fondateur (par exemple Dumas, Homère, Verne, mais aussi l’enthousiasme gauchiste..) au profit d’un socle plus individualiste (celtique, anglo-saxon, protestant ..) fait de lutte et de sexe, de pouvoir, d’argent et d’illuminations magiques.
Le parallèle est assez frappant avec deux sports que tout oppose : le football, porteur de valeurs négatives sur la tricherie, l’argent facile, et le rugby porteur de valeurs d’efforts et de solidarité.. et sur la victoire indéniable du foot dans l’esprit des jeunes ! Fermons cette parenthèse.
Je n’avais pas eu l’occasion de lire du David Eddings. Et « elle » m’a prêté son œuvre majeure « la Belgariade » suivie de « la Mallorée ».
Il s’agit d’une gigantesque saga ( 14 volumes et 6086 pages, quand même ! ) 
s’étalant sur plus de 7 000 ans, qui retrace les aventures épiques de quelques compagnons (leur nombre va croissant au fil du temps) dont la troupe lutte vaillamment contre l’empire du Mal. Les compagnons composent un aréopage bien sympathique de divers talents, entre l’archer adroit, l’homme qui parle aux chevaux, le sorcier gentil et sa fille, le géant bourru à la force gigantesque, le paillard porté sur la bière, l’espion habile et une douzaine comme ça… On croit voir Errol Flynn et ses joyeux compères dans la forêt de Sherwood.
Tout ce beau monde lutte contre un Mal lui aussi très structuré et bien garni, de sorciers, prêtres fanatiques, méchants Dieux, Dragons et royaumes félons.
Au dessus, ou à côté, plane une entité (la Destinée) qui, oriente chaque épisode pour guider nos héros jusqu’à l’affrontement final.
Entre guerres et cavalcades dans ce vaste monde imaginaire, l’ensemble est plaisant comme un roman d’aventures pour enfants.
En refermant le dernier volume (ouffffffffffff) , je me suis dit que, quelque part, au moins ceux qui lisent ça lisent. Et que ce n’est déjà pas si mal.
D’autre part, je m’émerveille de cette profusion littéraire à destination de la jeunesse, en comparaison avec la période que j’ai connue, pendant laquelle on n’avait le choix qu’entre Théophile Gautier (sous contrôle..) et Enid Blyton.
Je n’ai par contre pas trop aimé le côté manichéen des personnages, le Bien et le Mal, les portraits taillés à la serpe et le style d’écriture approximatif. La monotonie des rencontres successives de méchants finit vraiment par lasser.
La Destinée, présente en permanence, m’a semblée emblématique de l’acculturation citée plus haut, comme une métaphore à peine cachée de la prédestination protestante anglo-saxonne.
Le remplacement de socle culturel est très net, et je me suis finalement demandé si je devais prendre ce roman comme un roman pour ados qui a le mérite d’exister, ou un poison subtil pour nous faire oublier Homère et Dumas… Achille remplacé par Merlin.
Un peu les deux, sans doute. Nous n’y gagnons pas au change, loin de là, c’est mon avis.
***** si tu me lis, ce dont je ne doute pas. A toi de me dire que tu as pensé de Vance ….
Bises
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