Alexandre Soljenytsine est mort.
Pour les éloges et les panégyriques, veuillez vous reporter à vos canards habituels.
Littérairement parlant, je m’avoue humblement incompétent. En effet, honnêtement, dans mes deux tentatives pour appréhender son œuvre j’ai ramé pour finir le pavillon de cancéreux, et baillé tout au long de l’archipel du goulag. J’ai forcément tort puisque la critique semble unanime sur la qualité de ces bouquins.
Ce que je retiendrai, plutôt, de la vie de cet homme, c’est son extirpation opportune de l’anonymat par un occident en mal d’arme de combat intellectuel contre un empire soviétique totalitaire et décadent, son instrumentalisation politique, l’exhibition de cette icône de souffrance, la barbe rebelle et l’air un peu égaré de la victime broyée, mais toujours debout, symbole vivant de la victoire de l’esprit sur le communisme.
Puis, quand le communisme n’a plus été une menace, notre bon Alexandre, expulsé de son pays, recueilli dans la « patrie de la liberté » étasunienne, a cru pouvoir arguer de son auréole nobelisée pour commencer à pourfendre « aussi » les dérives capitalistes, ce qu’il appelait le « bazar ».
Bizarrement, aussitôt, la world company l’a renvoyé, manu militari dans son anonymat, lui prouvant que l’esprit peut
triompher du communisme, mais pas du grand marché.
Notre bon Alexandre a alors compris, mais un peu tard, que fuir un goulag glacé déshumanisant pour intégrer une société déshumanisée, c’est être un bouchon ballotté par des forces antagonistes, dont aucune ne nous veut du bien .
Il s’est alors logiquement tourné vers les valeurs traditionnelles de sa culture d’origine (nationalisme russe, orthodoxie) y voyant un retour salvateur.
Là aussi, il ne s’est agi que d’un leurre, là aussi il a été récupéré politiquement.
Je suis triste en pensant au parcours de cet homme, penseur trahi par les idées, c’est ce qu’il y a de pire.
La comparaison va sembler incongrue, voire même iconoclaste, mais il rejoint, dans son échec, Bob Dylan, Nicolas Hulot, René Descartes, Ernesto Che Guevara, Albert Einstein ou Gaston Bachelard, tous ces rêveurs de monde.
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