A la veille de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz pour les particuliers, prévue le 1er juillet, personne ne croit au "grand soir de l'énergie" qui viendrait tout bouleverser dans un secteur où Electricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF) règnent en maître depuis la loi de nationalisation des industries électriques et gazières de 1946. Si le marché se libéralise, le processus sera progressif. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène : le nombre réduit de concurrents, l'opposition des associations de consommateurs, le poids des deux opérateurs historiques et surtout le maintien de tarifs fixés par l'Etat, imposés à EDF et GDF alors que les opérateurs privés en sont exonérés, et bénéficiant aux consommateurs. D'autant que la libéralisation - imposée par Bruxelles - n'a jamais eu les faveurs de l'opinion et n'entraînera pas de baisses de prix, contrairement à la suppression du monopole de France Télécom au 1er janvier 1998. Le choix du fournisseur sera limité à moins de dix opérateurs, ce qui est plus ouvert que pour le téléphone fixe, où il n'y avait à l'origine que deux opérateurs . Leurs offres seront-elles si différentes ? Tous s'emploient à rassurer des clients rendus inquiets par la hausse des prix de l'énergie et par l'interdiction de revenir aux tarifs traditionnels proposés par EDF et GDF s'ils ont fait le choix de la liberté des tarifs. EDF, qui a l’obligation de proposer ces tarifs réglementés aux clients qui n’y renoncent pas, fera aussi une offre "de 10 % à 12 % supérieure au tarif" aux clients qui n'auront plus droit au tarif administré après avoir emménagé dans un logement où le locataire ou le propriétaire précédent avait choisi le prix du marché. Le groupe insiste surtout sur les services annexes (suivi de la consommation, contrôle des travaux d'électricité, assistance-dépannage, assurance en cas de difficultés de paiement...) qu'il offre. Pour le gaz, "nous ferons une offre qui doit être compétitive par rapport à Gaz de France" et son prix sera "autour du tarif de GDF", a indiqué Jean-Pierre Benqué, le directeur général adjoint chargé de la branche commerciale. GDF, qui veut coûte que coûte garder ses 7 millions de clients se chauffant au gaz, a annoncé, vendredi 22 juin, qu'il garantira "des prix fixes" de l'électricité et du gaz pendant un, deux voire trois ans : pour l'électricité, le prix correspondra au tarif réglementé actuel ; pour le gaz, il sera supérieur d'environ 3 %, ce qui porterait une facture annuelle moyenne de 700 euros à 724 euros. Il reste que les 100 000 clients de GDF emménageant dans un logement neuf chaque année n'auront pas le choix et devront payer leur gaz au prix de marché, conformément à la loi. Henri Ducré, directeur commercial de GDF, précise que le renouvellement des contrats au-delà des années à prix garantis reste "à préciser". Les associations multiplient les mises en garde des consommateurs contre la liberté tarifaire. Elle risque, selon elles, de leur coûter cher. Et elle sera de toute façon irréversible. Mais les prix ne sont pas tout, et il est possible que dans un monde où l'énergie risque d'être de plus en plus chère, les services sur les économies d'énergie permettent de limiter la hausse de la facture. Dans un article publié par la revue Futuribles (juin 2007), Marcel Boiteux, président d'honneur d'EDF, résume une situation contradictoire qui ébranle la théorie libérale sur les vertus de la dérégulation : "Il ne s'agit donc plus d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence."