Dire non est le dernier recours pour affirmer le retour du politique et éviter une Constitution nettement plus libérale que les traités antérieurs. Le non ne détruit rien puisque, s'il l'emporte, le traité de Nice continue à s'appliquer, mais il autorise tout.
Tous les commentateurs, pro ou anti-Constitution, se rejoignent sur un constat : celle-ci ne remet nullement en cause l'état actuel des traités en matière économique et sociale. Les « pro » y voient même un argument favorable à la ratification : ce texte reste dans la continuité du mouvement actuel de l'Union, il n'est ni plus ni moins libéral que le traité de Nice en vigueur, il se contente d'en reprendre le contenu en ce qui concerne les politiques économiques et sociales. Par conséquent, disent-ils, quiconque juge globalement positive l'orientation actuelle de ces politiques doit soutenir la Constitution.
En admettant provisoirement cette lecture, il s'ensuit déjà que tout citoyen contestant la tournure donnée aux politiques économiques et sociales depuis le traité de Maastricht doit s'opposer à un nouveau traité qui ne la remet nullement en cause. Quiconque récuse la marche actuelle de l'Union n'a pas d'autre façon de se faire entendre qu'en disant non à la Constitution.
Cela ne remet pas en cause l'Union et ne provoque aucun cataclysme : nous restons simplement dans le cadre actuel du traité de Nice. Le non ne détruit absolument rien. En revanche, il autorise tout : la tenue d'un vrai débat démocratique sur la finalité de l'Union, la remise à plat du projet européen des uns et des autres, et la recherche des nouvelles modalités de coopération autorisant la coexistence pacifique de projets différents.
En outre, dire oui constitue en soi un « recul» colossal. Dissipons un grand malentendu, surtout à gauche, qui semble brouiller l'esprit des partisans du oui. Ces derniers soutiennent que le texte de la Constitution n'inclut aucun « recul libéral » par rapport au traité de Nice. Dans l'esprit, si ce n'est dans la lettre de cet argument, ils n'ont pas tout à fait tort :
Presque tout ce qu'il y a de néo-libéralisme insupportable dans cette Constitution est déjà présent dans le droit de l'Union et, réciproquement, tout ce qu'il y a d'intolérable néo-libéralisme dans le droit européen se retrouve dans cette Constitution (est-ce une raison de plus pour dire oui ?). Mais cet argument de juriste manifeste une ignorance abyssale du fonctionnement de l'économie. En effet, par le fait même que nous sommes déjà dans un grand marché de libre-échange trop peu régulé par le politique, les dégâts sociaux de la compétition généralisée s'étendent et s'étendront indéfiniment, même si on ne change pas une virgule du traité de Nice. Autrement dit, pour progresser dans la réalité, le modèle néo-libéral de société n'a plus besoin de la moindre avancée juridique en sa faveur.
Les détenteurs du capital ont déjà toute liberté pour imposer l'intensification du travail, la baisse des impôts, les privatisations, etc.
Il n'est pourtant pas besoin d'être docteur en économie pour le comprendre puisque tout le monde peut observer cette réalité au quotidien. Le simple statu quo juridique entraîne donc, dans les faits, une irrésistible avancée du modèle néo-libéral.
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Or, pour le traité de Nice (que l'on soit pour ou contre) on ne nous a pas demandé notre avis. L'avis que nous allons donner bientôt est donc bien un jugement de fond sur l'oreintation ultralibérale de l'Europe.
Si le OUI passe, j'espère, brave gens que vous aurez savouré, en mettant votre bulletin dans l'urne votre dernier moment de démocratie, car plus jamais l'europe ne vous demandera votre avis : elle n'en aura plus besoin .
Et si le NON passe, ne vous inquiétez pas : l'europe vous reposera la question jusqu'a ce qu vous disiez oui, :) alors profitez en encore un peu, votez NON pour rever que vous avez encore un peu de pouvoir.
il est déjà très tard.
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